Orienter un bâtiment en fonction du soleil conditionne le confort d’été, les gains solaires hivernaux et la performance énergétique : il s’agit d’une stratégie accessible mais déterminante pour une conception architecturale durable et adaptée au climat.
Points Clés
- Orientation solaire : orienter les pièces de vie vers le sud maximise les gains hivernaux et nécessite des protections pour l’été.
- Dimensionnement des protections : un débord bien calculé et des dispositifs extérieurs réglables permettent de bloquer le soleil d’été tout en laissant passer celui d’hiver.
- Inertie et ventilation : combiner une masse thermique exposée et une ventilation nocturne lisse les variations et évite la surchauffe.
- Vitrages adaptés : choisir des vitrages selon leur g-value et Uw selon le climat pour équilibrer apports solaires et pertes thermiques.
- Simulation et POE : utiliser des outils de simulation dès l’esquisse et prévoir un suivi post-occupation pour ajuster les solutions.
Comprendre les trajectoires du soleil
La conception bioclimatique commence par une lecture rigoureuse du cheminement solaire. Le soleil décrit, pour un lieu donné, des angles d’élévation (hauteur solaire) et d’azimut qui évoluent selon la date et la latitude ; ces paramètres déterminent les moments et les directions d’apports solaires utiles ou indésirables.
Le concept clef est simple : à midi solaire l’angle d’élévation est maximal ; en été cet angle est élevé, en hiver il est bas. L’azimut indique la direction est-ouest et conditionne l’impact des apports matinaux et vespéraux, souvent problématiques sur les façades est et ouest.
Pour donner une référence pratique, à 45° de latitude nord l’élévation solaire à midi est d’environ 68° au solstice d’été et d’environ 21° au solstice d’hiver. Ces différences expliquent pourquoi une baie orientée au sud peut laisser entrer le soleil bas d’hiver tout en restant à l’ombre grâce à un débord calculé en été.
Des outils gratuits comme SunCalc aident à visualiser le trajet solaire pour une date et un point donnés. Pour des analyses plus poussées, les professionnels utilisent des rosettes solaires, des diagrammes hémisphériques et des simulations horaires pour caractériser l’ensoleillement et l’ombrage tout au long de l’année.
Notions techniques utiles
Quelques termes qu’il convient de maîtriser :
Altitude (élévation) : angle entre l’horizon et le soleil.
Azimut : angle entre le méridien local (sud) et la projection du soleil sur l’horizon.
Déclinaison solaire : inclinaison de l’axe terrestre par rapport au plan de l’orbite, fonction de la date et responsable des variations saisonnières.
Heure solaire : permet de repérer le midi solaire et de comparer les positions du soleil indépendamment du fuseau horaire.
Baies au sud : orientation, dimensionnement et règles empiriques
Orienter les principales baies vitrées vers le sud maximise les gains passifs en hiver et permet une conception efficace du chauffage solaire. Cependant, dimensionner ces ouvertures requiert un arbitrage entre gains, isolation et contrôle de la surchauffe estivale.
Rapports fenêtre/façade (WWR) — règles pratiques
Quelques repères empiriques aident le concepteur lors des esquisses :
Pour un climat tempéré, viser un WWR général (fenêtres/masse de façade) compris entre 20 % et 40 % ; la façade sud peut monter à 35–55 % selon l’inertie et la qualité des vitrages.
Surfaces vitrées est et ouest : limiter de 10 % à 20 % pour réduire la surchauffe matinale et vespérale.
Façade nord : privilégier la lumière diffuse avec de petites ouvertures ou des vitrages à faible transmission solaire si la vue et l’apport lumineux sont secondaires.
Ces bornes sont indicatives ; le dimensionnement optimal dépendra d’une modélisation climatique précise, de la qualité des vitrages et de la stratégie d’inertie.
Calcul pratique d’un débord pour la façade sud
Le dimensionnement d’un débord (casquette ou auvent) s’appuie sur une géométrie simple. Pour bloquer le soleil à une hauteur solaire donnée, la profondeur du débord d se calcule approximativement par :
d = h / tan(α), où h est la hauteur à couvrir (distance entre le haut du vitrage et le bas de la casquette) et α l’angle solaire visé (en radians ou degrés selon la fonction trigonométrique utilisée).
Exemple : pour une baie de 2 m de hauteur et une altitude solaire estivale à midi de 68° (≈0, pages trigonométriques), la profondeur nécessaire est d ≈ 2 / tan(68°) ≈ 0,77 m. Ce calcul vise le blocage à l’heure et à la date choisies ; il est conseillé de vérifier l’ombrage pour d’autres heures et dates via un outil de simulation.
Vitrages et performance : g-value, Uw, Ug et autres paramètres
La performance des baies repose sur plusieurs indicateurs que le concepteur doit comprendre pour faire des choix équilibrés entre apports solaires et pertes thermiques.
g-value (ou SHGC) : fraction de l’énergie solaire totale transmise par le vitrage. Une valeur élevée favorise les gains solaires mais peut accroître la surchauffe en été.
Ug : conductance thermique du vitrage (W/m².K) indiquant sa résistance aux transferts par conduction.
Uw : coefficient global de la fenêtre (cadre + vitrage), pris en compte pour l’isolation.
Coefficient de transmission lumineuse (TL) : impacte le confort visuel et le besoin d’éclairage artificiel.
Pour une maison bioclimatique, l’objectif est souvent des vitrages à haut rendement (faible Uw) combinés à un g-value adapté au climat : en zones tempérées, un g-value intermédiaire peut être optimal ; en zones chaudes, on privilégie un g très bas ou des protections actives.
Protections solaires : dispositifs, dimensionnement et innovations
Protéger des apports excessifs en été est aussi important que capter le soleil utile en hiver. Les solutions vont du simple débord fixe aux systèmes dynamiques pilotés par capteurs.
Familles de dispositifs
Protections horizontales : débords, auvents, casquettes — efficaces pour les façades sud en bloquant les rayons hauts d’été.
Protections verticales : brise-soleil verticaux, lames, écrans — adaptées aux façades est et ouest où l’azimut est prononcé.
Systèmes mobiles : stores extérieurs orientables, volets, dispositifs motorisés — offrent flexibilité et optimisation horaire.
Solutions naturelles : arbres caducs, pergolas végétalisées — combinent confort thermique et biodiversité.
Façades à double peau et brise-soleil dynamiques : permettent d’adapter la perméabilité solaire et la ventilation selon l’heure et la saison.
Façades dynamiques : opportunités et limites
Les systèmes automatisés (capteurs météo, régulation horaire, commandes utilisateur) améliorent la performance en ajustant l’occultation à la demande. Ils augmentent cependant la complexité, le coût initial et la maintenance requise.
Une solution simple et robuste est souvent préférable pour des projets à ressources limitées : privilégier des protections extérieures réglables manuellement ou une combinaison d’éléments fixes et mobiles pour garantir longévité et réparabilité.
Inertie thermique et matériaux : stocker pour lisser
La masse thermique joue un rôle central pour amortir les variations diurnes. Les matériaux denses (béton, brique, pierre) absorbent l’énergie solaire et la restituent progressivement, améliorant le confort sans énergie active.
Principes de positionnement :
Placer la masse à l’intérieur du volume chauffé et l’exposer aux apports solaires directs via des baies sud pour optimiser le stockage.
Compenser l’absence d’inertie dans les ossatures légères par des éléments lourds intérieurs (dalle, muret, contre-masse) ou des systèmes de stockage dédiés.
En climats chauds, combiner inertie intérieure et ventilation nocturne pour évacuer la chaleur accumulée.
Ventilation naturelle : croisée, effet cheminée, préconditionnement
La ventilation croisée est une stratégie simple et efficace pour évacuer la chaleur estivale. L’usage de conduits, d’ouvertures hautes et basses, et d’éléments passifs (puits canadien, tours d’air) permet d’améliorer le confort sans recourir excessivement aux systèmes mécaniques.
L’effet cheminée (stack effect) se met en place quand des ouvertures hautes favorisent l’évacuation de l’air chaud, entraînant un apport d’air plus frais par des ouvertures basses. Ce système fonctionne mieux si la perméabilité et la géométrie intérieure sont pensées dès la conception.
Intégration des panneaux photovoltaïques et ombrage
L’intégration des PVs dans la conception permet de combiner production d’énergie et stratégies d’ombrage. Sur le toit, les panneaux réduisent légèrement les apports solaires directs et peuvent améliorer le confort des combles techniques.
Quelques recommandations :
Pour maximiser la production, orienter les panneaux vers le sud (hémisphère nord) avec une inclinaison proche de la latitude pour un bon compromis annuel.
Les panneaux peuvent être montés en périphérie pour servir de brise-soleil sur des terrasses et protéger les baies hautes.
Faire attention au risque d’ombrage local : un panneau partiellement ombragé perd proportionnellement plus d’énergie si les chaînes sont mal configurées.
Les systèmes photovoltaïques bifaciaux sont particulièrement intéressants lorsqu’ils sont associés à des surfaces réfléchissantes (neige, sol clair) et peuvent contribuer à l’effet d’ombrage réfléchi sur certaines façades.
Étude de cas simplifiée : scénario en latitude 45°N
Pour illustrer, le concepteur peut imaginer une maison individuelle sur un terrain dégagé à 45°N :
Pièces de vie largement ouvertes au sud, WWR sud ≈ 40–45 %, protégées par un débord de ≈ 0,8 m pour une baie de 2 m (calcul d’exemple ci-dessus).
Chambres orientées est pour capter le soleil du matin, avec des protections (stores extérieurs) pour éviter la surchauffe estivale.
Plancher en dalle béton exposée au sud pour jouer le rôle de masse thermique, et ventilation nocturne pour régénérer cette masse les nuits d’été.
Vitrages performants (Uw faible) et protection extérieure réglable afin de réduire les pertes la nuit et maîtriser les apports le jour.
Ce scénario permet d’équilibrer apports gratuits en hiver et maîtrise des excès en été, sans recourir uniquement à des systèmes actifs coûteux.
Rénovation : stratégies pour améliorer l’orientation solaire d’un bâti existant
La rénovation impose souvent de composer avec une orientation figée. Plusieurs leviers restent néanmoins disponibles :
Protections extérieures : stores, brise-soleil, pergolas pour réduire la surchauffe.
Ajout d’inertie : dallage intérieur, murs de contreplaqué lourd ou cloisons massives pour stocker l’énergie solaire diurne.
Amélioration des vitrages : remplacement par des double/triple vitrages à faible Ug et g-value adaptée.
Ouvertures nouvelles : création de puits de lumière, cours intérieures ou petites percées sud lorsque la structure le permet.
VMC et rafraîchissement passif : intégrer une VMC double flux avec échangeur performant et modules de préconditionnement d’air (puits canadien) pour améliorer le confort sans énergie active excessive.
Ces interventions sont souvent plus rentables que des modifications structurelles lourdes et apportent des améliorations rapides du confort thermique et lumineux.
Outils et workflow de simulation : de l’esquisse au calcul thermique
Un workflow efficace guide le concepteur depuis des vérifications rapides jusqu’à des analyses thermiques détaillées :
Étape 1 — Analyse de site : observation, relevé des ombres et azimuts clés (solstices, équinoxes) et identification des vents dominants.
Étape 2 — Esquisses 3D rapides : utilisation de SketchUp pour tester les orientations, les débords et la disposition des volumes.
Étape 3 — Simulations horaires : outils comme Ladybug/Honeybee ou EnergyPlus pour évaluer apports, besoins de chauffage et risques de surchauffe.
Étape 4 — Vérification réglementaire et performance : modèle PHPP pour approches passive ou comparaisons RE2020/ADEME selon le pays.
Étape 5 — Mise en œuvre et suivi : capteurs, loggers, et évaluation post-occupation pour ajuster les stratégies (omissions, usages réels).
Pour démarrer, une combinaison de SunCalc et d’un modèle SketchUp avec module d’ombrage offre un retour rapide sur les principales décisions d’implantation.
Aspects réglementaires, certifications et confort thermique
Les réglementations nationales et les référentiels (par exemple Passive House Institute, RE2020 en France, ou les normes ASHRAE pour le confort) influencent fortement les choix de conception. Les démarches de certification poussent à intégrer la démarche bioclimatique dès l’esquisse.
Le confort thermique peut être évalué par des indices tels que le PMV/PPD (indice de confort thermique) ou la température opérative. Les référentiels comme ASHRAE 55 donnent des cadres pour mesurer et garantir des conditions acceptables pour les occupants.
Monitoring et évaluation post-occupation (POE)
La mise en place d’une surveillance après livraison permet de vérifier que les choix d’orientation, d’inertie et d’occultation remplissent bien les objectifs. Quelques capteurs simples suffisent :
Températures intérieures et extérieures et capteurs de surface pour les masses thermiques.
Capteurs d’ensoleillement ou luxmètres pour mesurer les apports réels.
Enregistreurs de CO2 pour évaluer la ventilation effective.
Les données collectées guident des ajustements peu coûteux (réglage des protections, consignes d’usage, ajout de stores) et nourrissent l’expérience pour de futurs projets.
Coûts, bénéfices et compromis
La stratégie d’orientation et les dispositifs associés entraînent un coût initial mais offrent généralement des gains durables : baisse des besoins de chauffage, réduction des systèmes actifs de climatisation, meilleur confort et valeur patrimoniale accrue.
Pour évaluer la rentabilité, il est utile de mettre en regard :
Coût additionnel des vitrages performants, protections extérieures et éléments d’inertie.
Économie estimée sur la facture énergétique et confort perçu par l’usager.
Coûts d’entretien et de maintenance des dispositifs dynamiques.
Les études de cas montrent souvent qu’une conception bioclimatique intelligente réduit le besoin d’équipements coûteux et consommes moins d’énergie sur la durée.
Erreurs fréquentes et conseils pratiques pour le concepteur
Certains pièges reviennent fréquemment :
Sur-vitrage sans protection, générant surchauffe estivale difficile à corriger a posteriori.
Négliger la ventilation nocturne quand l’inertie est importante, privant la masse thermique d’un rafraîchissement essentiel.
Placer la masse thermique derrière un vitrage non protégé, ce qui peut amplifier la surchauffe.
Ignorer l’usage réel : le comportement des occupants (occlusion des stores, ventilation) influe fortement sur la performance.
Conseils concrets pour limiter les risques :
Commencer par une analyse solaire des solstices et équinoxes et par l’identification des vents dominants.
Utiliser rapidement un modèle 3D pour tester des variantes et visualiser ombres et apports.
Privilégier les protections extérieures réglables pour garder de la flexibilité.
Intégrer la maintenance et la facilité d’usage des dispositifs dans le choix des solutions.
Questions pour stimuler la réflexion du concepteur
Pour affiner un projet, il est utile que le concepteur se pose quelques questions ciblées :
Quelle est la latitude exacte du site et quels sont les angles solaires aux solstices et aux équinoxes ?
Quels sont les vents dominants et quelles opportunités offrent-ils pour la ventilation naturelle ?
Quel équilibre entre apports solaires et inertie fournira le meilleur confort saisonnier pour ce climat et ce programme d’usage ?
Les vues importantes coïncident-elles avec les orientations favorables au passive solar design ? Si non, quelles compensations prévoir ?
Quels dispositifs d’ombrage réglables peuvent être intégrés sans compromettre l’esthétique, la maintenance et la durabilité ?
Outils de terrain et gestes simples pour la phase esquisse
Avant la modélisation avancée, quelques pratiques terrain rapides éclairent les choix :
Observer l’ensoleillement à différentes heures (8h, 12h, 16h) lors d’une journée ensoleillée pour prendre la mesure des ombres portées.
Noter la position des arbres, bâtiments voisins et du relief susceptibles de masquer le soleil.
Tracer sur le plan d’implantation les azimuts solaires aux solstices pour visualiser zones de gains et d’ombre.
Esquisser plusieurs dispositions à main levée : ces exercices rapides favorisent des solutions créatives et faciles à ajuster.
Ressources et lectures complémentaires
Pour approfondir, plusieurs sources fiables offrent guides, logiciels et bonnes pratiques :
CSTB : fiches techniques et guides pour la construction en France.
ADEME : fiches pratiques et retours d’expérience sur la conception bioclimatique.
Passive House Institute : ressources et PHPP pour la conception passive.
ASHRAE : normes et manuels sur le confort thermique et la simulation énergétique.
IEA : études internationales sur l’efficacité énergétique et l’intégration des renouvelables.
La conception orientée soleil n’est pas un luxe technique : c’est une approche pragmatique liant le projet au climat, aux usages et aux objectifs énergétiques. En combinant lecture attentive des trajectoires solaires, protections adaptées, inertie positionnée et stratégies de ventilation, il est possible d’obtenir un confort été/hiver nettement amélioré tout en réduisant la demande énergétique et les coûts d’exploitation.
Quels cas concrets rencontrent-ils sur leurs chantiers ou études ? Quels compromis se révèlent les plus délicats à arbitrer ? En partageant des situations précises, il est possible de proposer des esquisses d’implantation adaptées et des outils de simulation pour valider les choix.